L'Abat'Mobile
Pour une vie de bien-être et une viande éthique, quand l’abattoir vient à la ferme…
Soucieux du bien-être animal, motivés à l’idée de maîtriser l’ensemble du processus d’élevage, d’éviter le stress du transport, d’obtenir une meilleure qualité de viande et ayant la volonté d’être toujours plus transparents vis à vis des consommateurs, un groupe d’éleveurs souhaite mettre en circulation le premier abattoir mobile dans l’Aude.
Promulguée en 2018, la loi EGAlim comporte plusieurs mesures pour améliorer la condition animale. Parmi elles, l’expérimentation de dispositifs d’abattoirs mobiles, dont les modalités de mise en place permettraient d’établir des recommandations d’évolution du droit européen.
C’est à travers cette ouverture législative que dans l’Aude, un groupe d’éleveurs localisé sur le Sud du département (Haute-Vallée de l’Aude et Corbières) a entamé une réflexion sur cette thématique de l’abattage mobile. Au-delà des enjeux précédemment cités et au regard du caractère fortement rural et isolé du territoire, la réappropriation mais aussi la relocalisation de l’abattage pourrait avoir un impact systémique sur toute la filière. En effet, les distances importantes qui séparent les fermes des abattoirs mais aussi de toute la chaine de transformation est un frein majeur au développement de l’activité d’élevage, notamment pastoral. L’objectif du projet est donc à travers l’outil d’abattage mobile, de faciliter les activités d’élevage sur le territoire audois via des pratiques agricoles vertueuses.
Qu’est-ce qu’un abattoir mobile ?
Extrait d’un article de l’Indépendant du 18/06/2020 intitulé : « Abattoir à la ferme : la conf teste cette piste dans l’Aude »
À quoi ressemblerait l’abattage à la ferme, pour les petits ruminants (brebis et chèvres) ? « Il pourrait s’agir d’un caisson autoconstruit, mobile, donc transportable, sur un support véhicule léger qui irait de ferme en ferme vu que les éleveurs sont très dispersés et disposent de peu de bêtes dans l’Aude » répond Olivier Lozat de la Confédération paysanne. Cet abattoir mobile pourrait être géré par l’abattoir coopératif de Quillan, le dernier de l’Aude, et embarquer un personnel qualifié. La bête serait donc tuée sur place, saignée, dépecée, placée en chambre froide à la ferme, puis transportée et découpée dans un atelier de découpe qui pourrait, lui aussi, être mobile. Les déchets solides suivent le même canal que celui d’une bête morte à la ferme (équarrissage), les liquides vont dans le système de traitement des eaux, dans un bassin spécifique. Chaque ferme gérerait ses déchets.
La Confédération paysanne demande que les vétérinaires de proximité soient autorisés à réaliser les visées ante-mortem, actuellement réservées aux employés de l’État. En Espagne, un vétérinaire mandaté assure cette mission de service publique, rémunérée par une taxe. Et pourquoi ne pas « prévoir des dérogations similaires à celles des tueries de volailles pour les structures d’abattage de porcs et de ruminants à la ferme, surtout si la viande est commercialisée en circuit court… », des réglementations qui limitent le développement de la vente de viande en circuit court, qui disposerait d’un gros potentiel dans l’Aude. « Tuer n’est pas plaisant, mais ça fait sens de faire naître un animal et de se réapproprier sa mort, digne » commente Matthieu Vaslin, éleveur de chèvres à Laroque-de- Fa.
«Un véhicule léger qui irait de ferme en ferme vu que les éleveurs sont très dispersés»
Pour aller plus loin :
Abattoir à la ferme : la Conf teste cette piste dans l’Aude
Un abattoir mobile à l’étude dans l’Aude
L’étude socio-économique réalisée par les étudiants de Supagro
Compte-rendu de la visite de l’abattoir à la ferme en Catalogne
Le déroulé du projet
Initié par la Confédération Paysanne de l’Aude, le projet est à présent porté par la SCIC Maison Paysanne de l’Aude, cette dernière étant justement destinée à porter des projets de développement agricole.
La première phase du projet, conclue par la création d’un groupe d’éleveurs de petits ruminants désireux de porter ce projet, fut une phase de découverte du sujet et d’exploration avec, notamment, la visite par le groupe d’un abattoir à la ferme en Catalogne en 2019.
Convaincus par ce qu’ils avaient vu et ce qu’ils pouvaient échanger avec les autres groupes d’éleveurs lancés dans une démarche d’abattoir mobile, les éleveurs ont engagé la seconde phase consistant à effectuer une étude de faisabilité technico-économique du projet de l’Abat’Mobile. Pour ce faire la Maison Paysanne a fait appel aux étudiants de Montpellier Supagro, qui d’Octobre 2019 à Mars 2020 ont engagé la réflexion. Ils ont ainsi pû échanger sur le projet avec des structures partenaires et une vingtaine d’éleveurs qui pour la très grande majorité se disent intéressés. Dans le même temps, les étudiants ont défini un modèle économique qui reste à spécifier et alimenter selon les données qui seront recueillies d’ici la fin de l’année 2020. Leur mission s’est conclue par une restitution publique qui a attiré près de 70 personnes. Dans le même temps, le groupe d’éleveur a consulté des spécialistes pour envisager les modalités techniques de cet abattoir mobile, qui pourrait prendre différentes formes. Les aspects juridiques, administratifs et sanitaires sont eux aussi débattus et restent à spécifier.
Si cette étude est concluante et que l’abattage mobile est techniquement et économiquement envisageable, la mise en place de l’Abat’Mobile se fera en 2024, notamment grâce à l’acquisition d’un camion (prévue en 2023), outil indispensable à l’abattage mobile. Une phase expérimentale permettra de tester le dispositif avant de le généraliser et de le proposer à tous les éleveurs audois de petits ruminants (ovins et caprins).